Souvenirs d’enfance
J’ai toujours eu la passion de la lecture et de l’écriture. J’ai donc beaucoup lu et écrit assidûment depuis mon plus jeune âge. Je n’avais jamais imaginé mettre en pratique cette passion pour rédiger mon autobiographie ! C’est pour répondre à ta demande, Nathalie, que je m’y consacre néanmoins. Tu as habilement prétexté que tes enfants disposeraient ainsi d’un témoignage susceptible de leur faire prendre conscience de l’évolution des mœurs et des conditions de vie en l’espace de deux générations. Cette demande ne pouvait donc pas être refusée…
Je vais donc lister, sans suite logique ni le moindre principe de l’ordre chronologique des souvenirs d'enfance, tristes ou drôles, surprenants ou banals, heureux ou tristes… Cette succession d’anecdotes permettront assurément à Hugo, Julien et Elsa, tes enfants chéris, de constater l’évolution des modes de vie, du confort, des moyens d’informations, de locomotion et d’éducation depuis l’année de ma venue au monde la 25 juin 1952 (du moins depuis que j’ai été apte à mémoriser…)
Je suis né aux Rosières !
Ce joli nom de la ferme ou je suis venu au monde qualifiait autrefois les filles particulièrement vertueuses. Peut-être évoque t’il aussi un espace propice à l’épanouissement des roses. Mes parents Albert Douls et Juliette Andrieu étaient devenus fermiers de cette très modeste ferme isolée après leur mariage. Ils s’étaient connus lorsqu’ils étaient, l’un et l’autre, domestiques de ferme sur l’Aubrac. Mon père effectuait les travaux saisonniers de culture ou liés à l’élevage de bovins tandis que ma mère aidait aux travaux domestiques d’intérieur et assurait la garde de jeunes enfants.
Mon père (membre d’une fratrie de huit enfants) avait quitté l’école dès l’âge de 14 ans pour aller se louer dans les fermes l’hiver ou des burons durant l’estive. Ma mère avait aussi suivi le cursus dévolu à toutes les filles de familles nombreuses (hormis celles qui entraient en religion) en prolongeant une courte scolarité par un séjour dans un centre de cours ménagers. C’est là que les demoiselles allaient apprendre à cuisiner, à coudre, à élever des bébés ou… les volailles ; bref tout ce qui n’incombait traditionnellement pas aux maris. Les parents de ces jeunes filles étaient persuadés que cette formation de nobles ménagères conditionnait l’intérêt d’un prétendant et…un mariage réussi !!
Pour en revenir aux vocations religieuses, il était effectivement fréquent qu’une « grande famille » dénombre un enfant devenu curé et une fille engagée dans une congrégation de religieuses. Ces vocations, sinon forcées, du moins encouragées, facilitaient aussi les procédures de successions. Le droit d’aînesse institué relevait autant d’un principe ancestral que de dispositions légales. La quasi-totalité des fermes étaient donc reprises par l’aîné de la fratrie. Ses frères et sœurs devenaient donc religieux (ses), domestiques d’une ferme voisine (ou de son frère aîné…), ou s’exilait à Paris pour devenir fréquemment garçon de café, livreur de charbon (on disait « bougnat »). Ces durs labeurs permettaient à bon nombre d’entre eux de devenir de riches patrons de bistrots ou de négoce de charbon. Ainsi naquit la fameuse saga des « auvergnats de Paris » dont ma famille est largement pourvue.
Mes parents ont donc suivi la filière des enfants de l’Aubrac trop attachés à leurs racines pour tenter de suivre la ruée vers Paris. Lorsqu’ils sont devenus fermiers, maman assumait l’ensemble des travaux tandis que mon père s’était réembauché comme domestique dans une grande ferme située à proximité, à Cantoinet. Cette ferme appartenait à la famille Maynier dont le patriarche était aussi médecin, maire de sa commune et conseiller général. Un vrai notable très respecté et réputé pour son humanisme. Dès sa prestation quotidienne terminée, mon père revenait aux Rosières et entamait une nouvelle journée de travail en nocturne. C’est ainsi qu’il amorçait une réputation d’homme infatigable, travailleur aux compétences multiples et variées. Comme tout homme de sa génération, il ne contribuait nullement aux tâches dites « ménagères » ni aux soins à prodiguer à ses enfants.
Ma sœur aînée Yvonne débutait une descendance des sept enfants qui composèrent ma fratrie avec un échelonnement de dix-huit ans et deux mois entre elle et mon plus jeune frère, Jean-Philippe. Le docteur Maynier était venu assister ma maman pour l’accouchement de cette première fille. Ce n’est que lorsqu’elle apprit à marcher qu’il fut constaté qu’elle souffrait d’un grave handicap au niveau des hanches. Le docteur Maynier dut lui faire poser un plâtre qui l’immobilisa durant six mois. Ce n’est donc que vers l’âge de deux ans qu’elle réapprit à marcher. Quelques mois avant ma naissance qui était attendue avec une grande angoisse car le bon docteur avait mis en garde mes parents sur le fait que tous leurs enfants de sexe féminin risquaient de souffrir du même handicap comme ce fut le cas dans des familles voisines. (Faut-il rappeler qu’en ces temps on ne découvrait le sexe de l’enfant qu’après l’accouchement).
Pour calmer une légitime inquiétude, lorsqu’il fut appelé pour ma naissance, le docteur Maynier, dès sa descente de sa voiture tirée par un cheval, dit à ma mère cette phrase qu’elle m’a souvent répétée : « Il vaut mieux accoucher l’été que l’hiver, il vaut mieux le jour que la nuit, il vaut mieux un garçon qu’une fille ! ». De là à dire que j’étais né sous de bons auspices…
Ma deuxième sœur, Monique, vint au monde deux ans après moi. Contrairement aux inquiétantes prévisions du bon Docteur Maynier, elle ne fut atteinte d’aucune infirmité génétique.
Mon souvenir le plus ancien…
La modeste ferme des Rosières ne pouvant pas garantir des moyens de vie décents pour une famille qui s’annonçait nombreuse, mes parents avaient proposé leur candidature pour gérer une ferme plus importante au village voisin d’Espinasse. Il s’agissait en fait de deux fermes voisines qui appartenaient à deux jeunes veuves. Le « bon Père Maynier » s’était chargé d’obtenir et d’officialiser les clauses du bail conclu entre deux veuves propriétaires et mes parents. J'avais trois ans et neuf mois le jour du déménagement vers ce nouveau lieu de résidence. Même si cela surprend beaucoup de personnes, je peux dire que je me souviens parfaitement de cette journée ! C’est à croire que l’incorrigible tempérament nostalgique et l’attachement à mon terroir originel qui me caractérisent, causèrent pour moi un véritable et hâtif choc sentimental !
Je revois encore le char à bœufs sur lequel mon père, aidé de voisins, avait chargé les quelques meubles, literies, ustensiles et outillage qui composaient leur modeste patrimoine familial. Je me souviens encore de mon puéril caprice lorsqu’on me posa avec Yvonne et Monique sur le char. Je prétextais avoir perdu mon « panpan » (le bâton qui me servait de jouet) pour revenir à « ma » maison. Sans doute faut-il trouver en ce souvenir de très jeune enfant mon choix d’acquérir (l’heure de la retraite venue) quelques ares de forêt entre ces deux « pouponnières » de ma tendre enfance, Les Rosières et Espinasse…
Confort sommaire
La maison de famille d’Espinasse rivalisait de dénuement avec celle de ma « maternité » ; une cheminée au rez-de-chaussée pour le chauffage de l’ensemble de la maison, une cuisinière à bois pour la cuisine (et qui constituait un petit chauffage d’appoint), les meubles fabriqués par mon père (une armoire, deux bancs, quatre lits, des couvertures et édredons garnis de laine de moutons, également de fabrication maison).
Il n’y avait pas d’eau courante dans la maison, pas de téléphone mais je crois me souvenir que l’éclairage était arrivé. Il fallait aller à une fontaine du village pour aller chercher l’eau nécessaire pour la cuisine et la toilette. Pour communiquer avec les grands parents, les oncles et tantes, cousins et cousines, il fallait s’y rendre à pied à plusieurs kilomètres. Il nous arrivait parfois aussi d’aller demander à l’une des deux propriétaires de téléphoner car elle disposait du seul téléphone du village puisque les Poste Télégraphe et Téléphone (entreprise d’Etat) lui avaient proposé de la « cabine publique » dévolue à chaque petit village d’une dizaine de foyer au moins !
Dans le village les hommes cuisaient le pain, dont la pâte était préparée et pétrie par les femmes, une fois par mois dans le four du village qui était chauffé au bois. Ces jours de cuisson se déroulaient environ une fois par mois pour toutes les familles de la communauté villageoise.
Les voisins s’invitaient mutuellement pour les jours du battage du blé ou pour la « fête du cochon ». On appelait ainsi le jour de sacrifice du cochon qui allait devenir réserve à charcuterie pour la famille pour une année entière. Ces journées se prolongeaient par un souper (avec ou parfois sans les femmes voisines) et une longue partie de belote. Durant la matinée les hommes du voisinage aidaient le « tueur » pour le nettoyage et le pelage du porc, puis découpaient les morceaux de chair destinés à la fabrication de la saucisse, des saucissons et du « pastre ». Cette poche constituait par le plus gros des boyaux contenait des petits morceaux de chair contenant des osselets. On le dégustait traditionnellement le jour de Pâques. Son appellation de « pastre » signifiant berger s’expliquait par le fait que sur les perches accrochées au plafond pour sécher ces charcuteries il était l’élément le plus volumineux. On le comparait donc au berger d’un troupeau de vaches ou de brebis.
Un épicier ambulant passait une fois par semaine mais il vendait peu car le jardin, la basse-cour et les produits de la ferme permettaient quasiment de vivre en autarcie et les sous manquaient souvent pour payer la note ! Maman ne lui achetait donc que quelques épices ou exceptionnellement (car les disponibilités financières étaient fort réduites) quelques fruits ou bonbons.
Tous les dimanches, la messe était imposée à tous les membres de la famille. On se rendait à l’église d’Orlhaguet à pied, dûment « endimanchés ». Cela signifiait qu’on revêtait nos plus beaux habits, les chaussures cirées et pour les femmes et filles, le foulard était obligatoire. Dans l’église, les enfants et les femmes se plaçaient à l’avant, les hommes derrière. Les chantres étaient surtout des hommes. Pour la veillée de Noël, celui qui avait la voix la plus forte et la plus juste avait l’honneur d’interpréter le « minuit chrétien » en solo. Cet honneur revenait à notre voisin Monsieur Domergue qui jouait aussi de l’accordéon lors de rencontres familiales. Après la messe dominicale, la plupart des hommes allaient « boire un coup de rouge » au bistrot tandis que leurs épouses accompagnées de leurs enfants respectifs effectuaient de menus achats à l’épicerie du village d’Orlhaguet ou attendaient patiemment leurs époux. Ces rencontres dominicales prétextées par la messe offraient une belle occasion d’échanger les nouvelles d’un village à l’autre. Les hommes en profitaient aussi pour parler des cours de vente des bovins si certains avaient été visité par un des maquignon (marchands de bovins) qui agissaient dans le secteur.
Scolarité et catéchisme
L’école était obligatoire à six ans et aucun enfant n’y avait accès avant cet âge légal d’admission. Ma première année scolaire se passait à l’école privée de Sainte Geneviève où ma sœur Yvonne était pensionnaire depuis deux ans. Le pensionnat de l’école privé, géré par des religieuses, étant réservé aux filles, je fus confié au curé Bru et à sa servante comme jeune pensionnaire après les horaires scolaires. Les cours dispensés en mixité par les sœurs tandis qu’une sœur cuisinière gérait la cantine. C’est dans cette classe que je rencontrais Chantal Boyer qui devenait mon épouse plus de 16 ans plus tard. Mes parents estimant que j’avais suffisamment grandi pour éviter une nouvelle mise en pensionnat à Sainte Geneviève, j’ai ensuite été scolarisé au village voisin d’Orlhaguet dans l’une des trois classes publiques existantes en 1958. Comme mes voisins d’Espinasse ou des fermes ou hameaux environnants j’effectuais les 3,5 km à pied quelles que soient les conditions météorologiques voire l’épaisseur de la couche de neige durant l’hiver. Les seuls enfants qui bénéficiaient alors d’un transport par car étaient les enfants des ouvriers d’EDF (Electricité de France) en charge du fonctionnement et de l’entretien du barrage hydroélectrique de Sarrans. Ce car et son chauffeur étaient financés et rémunérés par l’entreprise récemment nationalisée. Le chauffeur n’avait donc pas le droit d’embarquer les « enfants de paysans ». Lorsque le car passait nous devions nous pousser dans le fossé pour permettre son passage avant de reprendre notre marche dans son sillage. Les ornières du car sur les routes enneigées facilitaient un peu notre avancement. Habitués à ce qui reste une véritable iniquité de traitement, cela n’avait rien de traumatisant, ni pour moi, ni pour mes copains d’infortune. Le droit de prescription m’autorise néanmoins à révéler maintenant que le gentil chauffeur, Monsieur Baget, dérogeait parfois (lorsque les conditions météorologiques étaient les plus difficiles) aux règlements auxquels il était soumis en nous ouvrant la porte du car par compassion. Il demandait alors à tous ses passagers de ne « rien dire à personne » ce qui fut toujours rigoureusement respecté. Il s’arrêtait à une encablure de l’école pour déposer les « passagers clandestins » car il redoutait sans doute que les enseignants ne soient pas aussi compréhensifs et discrets que ses juvéniles passagers. Je suis peut-être (près de soixante ans plus tard !!) le premier à trahir ce secret ! Je tiens d’ailleurs à rendre un juste hommage posthume à cet homme de cœur qui n’a jamais eu d’enfant alors que des grossesses dites « nerveuses » mais inabouties de son épouse lui avaient plusieurs fois laissé espérer ce suprême bonheur personnel. Les enfants bénéficiaires de ce service au quotidien ont également toujours respecté cette demande de discrétion de Monsieur Baget !
Pour le repas de midi, les « enfants du car » repartaient dans leurs foyers respectifs. La plupart des « enfants de paysans » se rendaient au « couvent » situé en bas du village où les religieuses nous servaient le déjeuner. Ce couvent faisait aussi office d’asile pour des retraités isolés qui étaient nourris dans un autre réfectoire. Ce n’est donc qu’après les cours de l’après-midi que nous regagnions, encore à pied, nos domiciles. A l’arrivée, en période hivernale, mes parents abordaient juste la nourriture et l’abreuvage des bovins et ce sont donc les enfants seuls qui organisions notre goûter et nos devoirs scolaires avant d’aller aider à balayer les étables. Pour abreuver les bovins, les agriculteurs devaient les détacher toutes à l’étable par petits groupes, pour les amener de l’étable à la fontaine du village à l’heure convenue pour éviter le mélange avec les troupeaux des fermes voisines. C’est donc bien tard que nos parents revenaient à la maison pour un tardif repas du soir partagé. Étant le seul garçon je dus très jeune suppléer maman pour ces corvées aux étables, soit pour lui permettre de sacrifier plus tôt aux autres travaux de nourrissage des volailles, de préparation de repas, de lavage et repassage du linge, de ménage… Mes sœurs devaient l’aider dans ces diverses tâches pour équilibrer les contraintes et corvées entre elles et moi…Ces participations des enfants devenaient bien plus importantes lorsque maman était en fin de grossesse. Lorsque « le docteur allait venir livrer un bébé » selon la formule qui nous était maladroitement servie, nous étions mis temporairement en pension au couvent d’Orlhaguet. Ce n’est que lorsque maman était remise de cette « livraison du bébé » que nous rentrions de pension pour faire connaissance avec la bienvenue Bernadette, cinquième enfant et…quatrième fille de la lignée et pour reprendre le rythme de vie antérieur. Quelques jours plus tard je retournais en pension car ma maman avait failli perdre la vie à cause d’une hémorragie probablement consécutive à l’accouchement. C’est le docteur Sabathier de Mur de Barrez (successeur du docteur Maynier qui était décédé), appelé en urgence, qui vint sauver maman in extremis. Le jeudi (jour de relâche scolaire) les sœurs nous accompagnaient à Espinasse pour voir Maman et le bébé Bernadette.
Christiane était née deux ans plus tôt et l’arrivée de Bernadette prolongeait donc l’extension de la fratrie avec une naissance tous les deux ans approximativement.
Endormissement sonore
Dès le repas du soir consommé, les enfants allions nous coucher tandis que papa et maman entreprenaient de nouvelles besognes. Travaux ménagers pour maman, fabrication de « cabécous » (les fameux fromages maison), et plaquettes de beurre. Mon père se livrait alors à la fabrication de balais, râteaux ou outils utilitaires divers. Sans trop se soucier du bruit produit pour fabriquer ces balais avec des branches de bouleaux, ces râteaux en bois, pour aiguiser ses outils de découpe, réparer une chaîne servant à attacher les vaches à la crèche, il y ajoutait le son du poste TSF pour écouter le jeu du « quitte ou double » qui le passionnait ou les informations. La télévision naissante n’avait encore investi que certains foyers de riches familles qui n’avaient aucun embarras du choix puisqu’une seule chaine était diffusée, en noir et blanc, et seulement aux environs de midi puis en soirée. Chez moi la première télé n’arrivait qu’en 1967, soit lorsque j’avais 15 ans ! Les deux voisines, propriétaires de la ferme, nous avaient devancé pour l’achat de cette « lucarne magique » comme on l’appelait alors.
S’ils n’avaient qu’un niveau d’étude minimal, mes parents étaient avides d’apprendre et de s’informer des réalités. Ils étaient abonnés au quotidien départemental Centre Presse qui était diffusé dans quasiment tous les foyers familiaux. Dès que j’ai su lire, je profitais de la période d’absence de mes parents pour lire ce journal quotidien quasiment en intégralité. Davantage encore que mes parents, j’étais enchanté d’apprendre l’histoire au quotidien, les péripéties politiques, les développements de la guerre en Algérie, le combat des mineurs de Décazeville, les rivalités de Poulidor et d’Anquetil sur les routes du Tour de France, les hold-up de banques, l’affaire Ben Barka, les développements de la guerre d’Algérie, les faits divers ou les chroniques judiciaires… Aucun sujet n’échappait à mon besoin d’apprendre, de comprendre et d’être informé. De cette passion innée, mais incitée par l’exemple de mes parents, est sans doute venue une vocation, partiellement contrariée pour le journalisme d’investigation, mais aussi pour la lecture et l’écriture qui sont ancrés en moi. Cette prospection de la presse contrariait largement l’approfondissement de mes devoirs d’école et mes bulletins de notes restaient relativement modestes.
Des vacances scolaires laborieuses
Mes vacances scolaires n’étaient pas calquées sur le calendrier établi par les instances compétentes mais par les travaux agricoles saisonniers. Comme mon grand-père l’avait fait pour ses enfants, mon père imposait que je quitte l’école dès le début des travaux de fenaison. Encore une démonstration du sexisme géré à la mode paysanne puisque mes sœurs étaient dispensées de ces prolongements des « vacances » scolaires. Avant même de devenir collégien j’étais donc converti en domestique de ferme de la mi-juin jusqu’à… la fin des travaux de fenaisons et de moissons qui déterminait mon retour en scolarité décidé par mon père. Mon père aurait volontiers prolongé mon rôle de précoce chargé de famille pour les travaux de labourage et de ramassage manuel des pierres sorties par le soc de la charrue. Je devais donc y participer dès mon arrivée de l’école et souvent jusqu’à la nuit tombante. Je peux donc affirmer que si mon père n’a guère favorisé mon enseignement, il m’a, en revanche inculqué la valeur du travail mais aussi de la débrouillardise pour créer ou bâtir à partir des matériaux de base disponibles. Bien qu’il soit devenu très jeune « roul » dans les estives d’Aubrac puis domestique omnipotent mon père me surprenait par sa capacité en matière de calcul mental alors que son niveau était très faible en orthographe. Ma mère était bien plus compétente en français et était apte à corriger (tant bien que mal…) nos devoirs d’écoliers.
NB : Le roul était le jeune enrôlé dans les burons des montagnes d’Aubrac pour servir de domestique pour le maître des lieux, le Cantalès, le vacher (responsable du troupeau de vaches) et du bédélier (en charge de la garde des veaux, séparés de leurs mères durant l’estive sauf au moment de la traite)
Coquins de curés
Je n’ai jamais eu de véritables convictions religieuses malgré un entourage particulièrement croyant et pratiquant. Il est sans doute possible sinon probable que le comportement du curé d’Orlhaguet qui m’inculqua le catéchisme au quotidien lorsque j’étais écolier et celui qui dirigeait le collège de Mur de Barrez où je séjournai durant quatre ans (le fameux Abbé Maurel dont je reparlerai), ne furent pas de nature à me convaincre de la pertinence des préceptes catholiques…
Le curé d’Orlhaguet était aussi un radiesthésiste de très grande renommée. Il était capable et il l’a maintes fois démontré, de situer les sources d’eau et leur profondeur précise sur un simple plan cadastral, de retrouver une personne perdue, de situer précisément une personne noyée accidentellement, d’établir des diagnostics médicaux pour ses visiteurs mais aussi pour leurs proches absents lors de la consultation. Il fonda sa réputation sur la justesse de ses diagnostics mais aussi des traitements homéopathiques qu’il prescrivait. Il aimait faire preuve de ses dons innés (?) en révélant à certains de ses consultants des secrets de famille ou des maladies inconnues de leurs proches. On le disait très riche et particulièrement compétent pour faire fructifier son trésor ! Il était passionné d’archéologie, d’apiculture et collectionnait des pierres, minéraux et fossiles de toutes sortes et de toutes époques. Il était aussi passionné de chasse et possédait plusieurs superbes chiens de race setter. Tous les ans il organisait un voyage d’une semaine pour tous les ados de la paroisse. C’est grâce à lui que j’ai séjourné avec mes copains et copines d’enfance, à Lourdes, près de Notre Dame de la Salette dans les Alpes. Il nous a aussi permis de visiter les Monts d’Auvergne. Il était plusieurs fois venu parlementer avec mon père pour obtenir son accord et lui en rends grâce car j’avoue avoir été très jaloux que mes sœurs soient seules autorisées à y participer…Lorsque je devins (comme la plupart des ados garçons) enfant de chœur, il nous remerciait en nous emmenant effectuer un périple en barque sur le lac de Sarrans. Il avait réussi à mobiliser ses ouailles pour restaurer la superbe église fortifiée, pour construire une vaste salle paroissiale, pour ériger de belles croix en pierre de taille qu’il avait dégotées enfouies. Les raisons de respecter ce bon curé de campagne étaient donc multiples et variées. La perspicacité de certains de mes copains, le recoupement avec des conversations (en patois par souci de discrétion alors que je n’avais aucune peine à comprendre l’intégralité des conversations) entre mes parents ou des voisins m’ont permis d’apprendre notamment que cet ambassadeur de Dieu, s’était fait épingler par les gendarmes pour défaut de permis de conduire après plusieurs dizaines d’années de déplacements avec sa Juva 4, que son neveu qui nous accompagnait pour chacun des voyages n’était autre que son fils caché, Celui que je considérais comme un Dieu vivant avait donc quelques faiblesses qui heurtèrent ma juvénile candeur. Avec le recul de l’âge je n’hésite pas à classer ces péchés ou fautes de comportement comme véniels voire futiles. J’espère qu’il n’a pas séjourné en enfer et que son passage au purgatoire fut bref car il fut un homme bon.
Ce récit n’étant pas basé sur le principe chronologique, j’inclus dans ce paragraphe évoquant le clergé et la religion catholique pour parler de l’abbé Maurel, mon futur directeur de collège. Son sort confirme hélas que le comportement de certains prêtres peut être non exemplaire voire intolérable.
Des décennies après mes années collège, je suis surpris par la présence de son portrait à la une de Centre Presse. Avant lecture j’imagine que c’est hélas pour annoncer son décès. Que nenni !!! L’article révèle qu’il vient d’être incarcéré pour des faits de viols sur enfants, notamment durant la période ou j’y étais en pension. J’étais certes encore candide mais de là à imaginer de tels faits ! C’était véritablement inimaginable. Son jugement, largement médiatisé au plan national a pourtant officialisé le bien-fondé des plaintes tardivement déposées par certains de ses victimes. Avant son jugement j’avais été contacté par des membres de son comité de soutien mais aussi par d’anciens élèves qui cherchaient des témoins à charge. Je ne me suis jamais résolu ni à soutenir l’abbé même si j’étais intimement persuadé de son innocence. Il m’était insupportable d’imaginer témoigner en sa faveur alors que se cumulaient des témoignages accusateurs. Je n’ai pas davantage pu soutenir ces victimes faute d’avoir été témoin du moindre acte ou indice permettant la moindre suspicion. Justice a été rendue mais des séquelles perdurent sans doute plus d’un demi-siècle plus tard.
Les « Espinasse » sont là !
Toujours plus corvéable que mes sœurs et que mes voisins, j’avais rarement la chance de partager leurs jeux et loisirs. Lors des vacances scolaires le groupe d’enfants du village s’agrandissait avec l’arrivée des « parisiens » mais aussi des allemands et des scouts qui campaient aux abords du village. Ces derniers n’étaient pas autorisés à partager nos jeux puisqu’ils étaient encadrés par des moniteurs qui les initiaient à la vie propre à leur statut, au contact de la nature et avec de rigoureux préceptes catholiques. A la fin de leur séjour, ils conviaient tous les habitants du village et le curé d’Orlhaguet, pour une soirée de spectacle au camp, autour d’un grand feu de bois. Tous les habitants y participaient et étaient honorés de cette invitation et ces jeunes étaient très estimés pour leur bonne éducation et leur gentillesse.
Le père de la famille allemande qui séjournait à Espinasse durant les vacances d’été était un ancien « prisonnier de guerre » qui avait été affecté dans la ferme de la famille Domergue (pas celle de l’accordéoniste et chanteur mais l’une des veuves propriétaire) ... Ugo et Gunter étaient deux garçons très turbulents, casse-cou mais très débrouillards pour remettre en route de vieux Solex ou de vieilles bicyclettes. Mon père redoutait beaucoup qu’ils ne s’accaparent de ses machines pour assouvir leurs élans de kamikazes. Je pense qu’il n’en fut jamais rien… Le père de ces deux jeunes allemands qui s’exprimait bien en français depuis son séjour de « prisonnier » rendait visite à toutes les familles qui le pressaient de questions sur la vie en Allemagne, sur son métier de pilote essayeur de voitures Mercédès.
Les plus attendus de ces enfants en villégiature étaient les deux familles des descendants des deux mamies propriétaires de la ferme de mes parents. Christiane et Gisèle de la descendance Domergue et Alain, Françoise et Ghislaine dans la lignée Pezet, dont les parents tenaient commerce à Paris ou en banlieue, venaient à Espinasse pendant quasiment toutes les vacances scolaires. Lorsqu’ils arrivaient, ils s’empressaient de venir dire bonjour à la famille Douls et nous livraient de pleins cartons de vêtements d’occasion et prétextés « trop petits » ou démodés. Ils faisaient notre bonheur car les nôtres étaient rarement renouvelés et souvent transmis de l’aîné au suivants…
Tous les enfants du village (moi plus rarement) passaient leurs journées chez Madame Pezet. Cette adorable Mamie avait l’art et la manière d’attirer les enfants et d’organiser son « accueil de loisirs ». Les enfants se répartissaient par tranches d'âge. Pour ma génération, Alain était l’incontesté leader. Il orchestrait les jeux et se faisait metteur en scène pour la séance récréative que nous proposions en fin de vacances scolaires à tous les habitants du village, soit autour de la balançoire soit, en cas de pluie, dans le hangar qu’avait construit mon père. Diverses prouesses sur les cordes d’escalade, trapèze, des scénettes, chansons et danses composaient nos prestations scéniques qui se concluaient par un goûter gracieusement préparé et offert par Madame Pezet.
Un repas de village était aussi parfois organisé dans la remise de madame Pezet et chaque famille apportait spontanément un plat préparé. De ces fraternelles agapes m’est sans doute venu mon attachement aux principes de convivialité dans les villages où j’ai vécu et les associations auxquelles j’ai adhéré.
Cinquante ans plus tard (au moment où j’écris cette autobiographie), nous continuons de partager annuellement un long week-end ensemble, alternativement chez chacun des membres de ce « clan des Espinasse ». Une exemplaire histoire d’amitié éternelle et indéfectible !!
Je dois à ce groupe d’enfants de Paris, une belle ouverture sur la vie et mœurs en milieu urbain car nos conditions de vie étaient très archaïques et ancrées dans la ruralité. Bien plus tard ils furent nos hôtes pour nous faire visiter Pari avec nos enfants Nathalie et Lilian.
Les séjours au couvent
Je fus pensionnaire au couvent d’Orlhaguet avec ma sœur Monique lorsque maman fut en fin de grossesse de mes sœurs Christiane puis Bernadette puis des ennuis de santé qui suivirent cette dernière grossesse. Sœur Saint Privat était la « mère supérieure » de ce couvent. En quelques circonstances elle fut l’avocate spontanée de certains de ses jeunes pensionnaires auprès des parents ou des instituteurs qui avaient en vent de nos bêtises ou de nos bagarres de potaches. Diversement prétextées, ces bagarres laissaient parfois de gros hématomes difficilement dissimulables ! Sœur Saint Privat ajoutait un mensonge aux nôtres pour nous éviter des sanctions ou pour les atténuer. C’était d’autant plus méritoire de sa part que nous étions souvent assez rebelles aux corvées qu’elle nous demandait après les repas. Ainsi pour espérer la fin de la corvée d’arrachage des « mauvaises herbes » dans les plans de salades du jardin, l’un d’entre nous avait suggéré d’arracher les salades et de ne pas toucher à ces herbes envahissantes !! Pour préserver le temps d’un jeu, le bêchage d’un carré de jardin s’apparentait davantage à un sarclage. Nos piles de bûches ignoraient les bons principes de la verticalité et s’éboulaient souvent dés notre départ… Les joints des murs d’enceinte du couvent étaient souvent remplis par les plats peu ragoutants…Nos parents payaient nos pensions en fournissant du bois de chauffage et des produits de la ferme ce qui faisait le bonheur des pensionnaires de l’hospice.
Les repas de midi étaient précédés par une étape au catéchisme quotidiennement dispensé par le curé Gallonier. Il faut bien dire qu’il était plus efficient comme radiesthésiste que dans la fonction pédagogique ! Il n’avait pas de trop de sa longue baguette de bambou pour rappeler les enfants à plus d’attention et d’intérêt pour la vie de Jésus et de ses bons apôtres…Une fratrie de quatre jeunes italiens (trois garçons et une fille) furent ses plus exaspérants disciples. Il leur tardait sans doute d’aller chasser les hérissons qui composaient disait-on l’essentiel de leur menu ! Leur père était provisoirement embauché dans la région comme bûcheron par un exploitant forestier. Cette famille était d’une solidarité exemplaire et celui qui osait s’en prendre à l’un d’eux pouvait s’attendre à de dures représailles !! Les hasards de la vie m’ont permis d’en rencontrer à l’âge adulte ce qui m’a permis d’apprendre qu’ils avaient tous accédé (en France) à de bonnes situations professionnelles. Grâce leur en soit rendue !
Avant chaque fête religieuse, le cours de catéchisme était remplacé par une « épreuve » de confession. Successivement, nous devions accéder au confessionnal de l’église pour avouer nos fautes en espérant l’absolution de notre bon pasteur. Ce rituel chrétien est devenu désuet et peu de pécheurs s’en plaindront même si l’évolution des mœurs fait parfois regretter certains cadrages éducatifs trop laxistes sinon inexistants dans les environnements scolaires, familiaux et religieux.
Les années collège
Ma sœur aînée Yvonne, qui avait rejoint l’école d’Orlhaguet pour les deux années de cours moyen (particulièrement douée en maths) avait ensuite été mise en pension à Rodez pour son entrée en sixième. Cette décision fut prise sur recommandation de Bernard Maynier (le fils du bon docteur accoucheur) qui avait succédé à son père dans les fonctions de maire de Cantoin et de Conseiller Général. Ses trois filles y étaient pensionnaires au collège privé de Sainte Procule dont la réputation reposait essentiellement sur le fait qu’il accueillait les filles des éminentes personnalités du département. Le coût du pensionnat (disons même son surcoût) fondé sur sa réputation bourgeoise, avait sans doute été mal apprécié par mon père. Pour assurer ce financement, mais aussi celui du tracteur appelé à remplacer la paire de bœufs de labeur, mon père décidait de devenir entrepreneur en fenaisons et moissons en complément des travaux sur les fermes dont il était fermier. Plusieurs agriculteurs âgés ou dépourvus de matériel lui confièrent ces travaux saisonniers. Cela présageait de vacances encore plus laborieuses pour mes sœurs et moi mais aussi, par répercussion, pour maman…
Les beaux jours d’été venus, j’étais donc réveillé tôt pour aller faucher les prés. Un matin vers sept heures du matin je commençais à faucher le « champ du Pont » à Espinasse. Bernard Maynier passait en voiture pour aller à une réunion du Conseil Général à Rodez. Il ralentissait et me dévisageait en pensant sans doute qu’il était bien tôt pour mettre au travail un gamin de onze ou douze ans…La journée de labeur se prolongeait interminablement et le ciel se couvrait de nuages. Mon père décidait donc de botteler un champ voisin avant l’orage qui menaçait tandis qu’avec mes sœurs Yvonne et Monique nous ramassons les bottes de foin. Il est 23 h et mon père dit aux filles d’aller au lit tandis qu’il me demande de l’accompagner pour mettre à l’abri les dernières remorques de balles de foin. Monsieur Maynier, de retour de son périple au chef-lieu, ralentissait puis rentrait dans le champ avec sa Coccinelle Volkswagen. Il en sortait précipitamment interpellait vertement mon père en patois. « Mais mon pauvre Albert tu veux le tuer ce gosse ! A sept heures du matin il fauchait et à 11 h du soir tu lui fais encore charger des bottes de foin !!! ». Malgré le respect qu’il avait à son égard mon père ne se démontait pas et lui répondait. « S’il est fatigué il dormira demain… s’il pleut, mais maintenant il nous reste deux remorquées à rentrer et on les rentrera ! ». C’est ainsi que j’apportais mon obole pour financer ma pension annoncée au pensionnat Saint Pierre à Mur de Barrez. D’autre anecdotes révèlent bien les difficultés pécuniaires endurées par mes parents pour élever et éduquer une famille agrandie à cinq enfants avec la venue d’une quatrième sœur, Bernadette. Après avoir travaillé plusieurs semaines chez la famille Parent à Cantoin pour les fenaisons, mon père était allé encaisser le montant de la prestation. Monsieur Parent réglait la note et ajoutait 10 Francs d’étrenne pour Yvonne et pour moi pour récompenser notre travail. A son retour à la maison mon père nous dit « Quand vous verrez Monsieur ou Madame Parent vous les remercierez pour l’étrenne qui servira à payer un peu de vos pensions ! ». Sans même en avoir parlé, je suis sûr qu’Yvonne partageait mon immense chagrin de me voir ainsi dépossédé de mon premier revenu salarial !
J’ai aussi été témoin auditif d’une dispute entre mes parents. Ma mère reprochait à mon père de devoir demander crédit à l’épicier ambulant alors qu’il venait de commander un tracteur neuf. Mon père rétorquait qu’il valait mieux investir dans du matériel plutôt que d’embaucher un « Coustoubi » qui se fatigue en quelques heures de travail ! Un « Coustoubi » était un ouvrier agricole saisonnier que des agriculteurs allaient recruter lors de « foires de la loue ». Ces ouvriers venaient de la région de la Basse Viadène qui produisait essentiellement des fruits et légumes. Ces agriculteurs étaient donc relativement disponibles en juillet ou août alors qu’on fanait en Haute Viadène et que leurs fruits et légumes continuaient à mûrir.
Mon père fut l’un des premiers de la commune à remplacer la paire de bœufs par un tracteur pour les travaux agricoles. Ce fut vrai pour les travaux de fenaison, de labourage, de hersage, de transport du bois de chauffage. Etonnamment il fut l’un des derniers recourir aux moissonneuses batteuses pour remplacer le fastidieux travail de moisson avec une lieuse suivie du gerbage des fagots de blé dans les champs, puis sur la plateforme de dépiquage du blé.
Pour la machine à laver le linge ma maman ne fut pas davantage l’une des premières desservies mais il est vrai que se montrait souvent réservée, habituée depuis son enfance aux principes de l’autorité masculine et toujours corvéable.
Pour mon entrée au collège Saint Pierre de Mur de Barrez, c’est mon oncle Pierre (un frère de maman) qui nous y conduisait, ma mère et moi car mon père avait amené Yvonne à Rodez pour son entrée en quatrième.
Il n’était pas un chauffeur très expérimenté. Je me souviens qu’après avoir traversé la Truyère par le barrage de Sarrans avec son antique 2 CV, il roulait délibérément sur la gauche de la chaussée pour se tenir à bonne distance du ravin côté droit. Il semblait inconscient du risque de collision avec de véhicules arrivant en sens inverse !! De deux périls il pensait sans doute choisir le moindre.
J’avais visité cet austère collège lors de notre visite pour l’inscription. Lorsque maman et l’oncle Pierre sont repartis, j’ai eu un énorme cafard car je ne connaissais absolument personne et j’étais très timide ce qui n’allait pas faciliter mon intégration. La première nuit dans ce dortoir dans lequel étaient alignés une cinquantaine de lits fut un véritable cauchemar. Les premiers cours du lendemain ne me rassuraient guère avec une succession d’enseignants qui entendaient sans doute asseoir leur autorité en se montrant froids et même menaçants. Dès ce premier cours on voyait débarquer les filles du collège voisin et associé de Jeanne d’Arc à qui était réservé un côté de la classe. Parmi ces filles, je retrouvais Chantal (ma future épouse) que j’avais connue lors de mon pensionnat à l’école de Sainte Geneviève.
Le confort du collège était fort sommaire puisqu’il n’y avait aucun dispositif de chauffage ni dans les classes ni dans les dortoirs. Les matins d’hiver, le gant de toilette que nous posions sur le rebord du lit était raide le matin car il avait gelé. La toilette du matin se faisait aussi à l’eau froide. Seule douche hebdomadaire qui nous était autorisée bénéficiait d’une eau tiède.
Pour optimiser les locaux et les effectifs d’enseignants, l’abbé Maurel prenait en pension longue durée des enfants de la région de Toulouse qui avaient souvent des antécédents de délinquants ou qui n’avaient pas de parents aptes à les élever. Une autre fratrie venait de Toulon. Ils ne retournaient chez eux que pour les longues vacances scolaires. Il y avait aussi quelques enfants togolais mais je ne sais pas quelle filière les guidait aussi loin de leur patrie originelle. Ils ne repartaient chez eux qu’après les quatre années de collège ou exceptionnellement pour les vacances d’été. Je ne connaissais des « nègres » (comme les qualifiaient mes parents sans qu’ils ne soient soupçonnables de la moindre tendance raciste) que l’image qu’en évoquait la bande dessinée Sylvain et Sylvette dont quelques exemplaires nous avaient été offerts par nos jeunes voisins. Mon regard était inconsciemment attiré par leurs visages et la couleur de leur peau différente. Il m’a fallu cette longue période d’observation pour oser les aborder à l’identique de mes autres camarades. Nos relations se sont normalisées surtout à la faveur de la pratique de sports collectifs.
Les élèves de troisième se montraient peu complaisants avec les nouveaux arrivants. Comme il était institué dans les casernes lorsque les « bleus » devaient se soumettre aux moqueries, mauvaises blagues voire aux cruelles humiliations des vénérables « libérables », les nouveaux élèves du collège étaient exposés aux délires abusifs des redoutés « troisièmes ». Le pire à redouter était le « baptême des bleus » qui intervenait lors des chutes de neige. Le « jeu » consistait à ensevelir le nouveau dans la neige jusqu’à la limite de l’étouffement. Le jeune baptisé n’avait pas la possibilité d’aller revêtir des vêtements secs et était donc exposé à de sérieux problèmes de santé.
Tous les jeudis les pensionnaires étaient contraints à une très longue marche avec parfois retour impératif pour assister aux vêpres (courte messe de l’après-midi) lorsqu’approchait une célébration religieuse majeure.
La télévision est arrivée en 1964 au collège et les pensionnaires étaient autorisés à assister à une émission du soir, en principe une fois par semaine, dans la classe où elle avait été installée. Nous avions aussi droit occasionnellement à une soirée cinéma commune avec les élèves filles de Jeanne d’Arc grâce à un projecteur dont disposait l’abbé Maurel.
Nous pouvions aussi participer à des rencontres de football entre collèges privés et nous nous déplacions à bord d’un vieux car bringuebalant que l’abbé Maurel avait acheté à un prix certes dérisoire mais néanmoins abusif au vu des pannes récurrentes qui écourtaient ou annulaient les escapades programmées.
Tous les ans l’abbé Maurel organisait un superbe périple en Grande-Bretagne pour un petit groupe de collégiens. J’ai pu y participer durant l’été entre la cinquième et la quatrième. A mon grand étonnement mon père fut immédiatement d’accord malgré un coût de participation relativement élevé. Nous étions six garçons participants et c’est à bord de la voiture de l’abbé et de celle de M. Gilet (professeur de sport) que s’effectuait ce périple de trois semaines.
Il s’avère que cet accord spontané aurait pu être lourd de conséquences compte-tenu du destin de l’Abbé Maurel précédemment évoqué…
Pour atteindre l’Angleterre nous avons traversé la Manche en bateau. Il s’en suivit un séjour en camping sauvage durant une semaine dans la banlieue de Londres, puis voyage découverte en Ecosse, au Pays de Galles, en Cornouaille. La traversée du retour en France se fit en avion avec les voitures embarquées dans la soue. Lors de notre débarquement un douanier nous a fait aligner, chacun avec ses bagages personnels. Il nous a successivement demandé ce que nous avions à déclarer car l’Europe n’avait pas encore aboli ses frontières. Il a ensuite reculé de quelques mètres en nous scrutant les uns après les autres d’un regard suspicieux. Il demandait ensuite à mon copain Joël de lui amener son sac de sport qui faisait office de valise. Le douanier plongeait alors une main au fond du sac pour en retirer une petite boîte en carton qu’il ouvrait sans précaution. Il se retrouvait alors avec dans la main une petite statue d’anglais typique avec chapeau melon, bottes de cuir, parapluie et, (sans doute moins convenu…) un très long zizi vrillé qui faisait fonction de tire-bouchon. Il s’est trouvé à ce point mal à l’aise avec cet objet insolite à la main qu’il déclencha le plus grand fou-rire collectif et spontané dont j’ai été le témoin de toute mon existence. Rouge de confusion il jetait l’insolite objet de contrebande à côté du sac et nous priait de « quitter les lieux ». Lors de l’arrêt qui suivait, l’abbé Maurel se faisait une fierté de nous avouer que son grand sac tenu en bandoulière contenait (dissimulés sous des cartes routières) du matériel de photographie, un magnétophone et une caméra qu’il avait passés en fraude car les prix de ce matériel technologique était d’un prix bien plus abordable en Angleterre en ce temps-là. Le zizi vrillé du poulbot anglais l’avait dispensé de lourdes pénalités !
Notre beau voyage se prolongeait en France avec notamment la visite du Mont Saint Michel, de la pointe de Raz en Bretagne et le village mémorial d’Oradour sur Glane, sur le chemin du retour au bercail.
Mes années collège se prolongeaient jusqu’au mois de juin 1968 qui devait se conclure tranquillement avec un concours des « bourses » (c’était un examen destiné à réserver les aides financières aux parents d’élèves les plus méritants en complément bien sûr du critère des moyens financiers limités des parents) puis les épreuves du Brevet à passer à Rodez. Cette sérénité fut largement remise en cause par les événements de mai 68 qui générèrent un véritable bouleversement avec un pays entier en grève, participant à des manifestations voire à des émeutes. Les collège Saint Pierre de Mur de Barrez fut l’un des seuls en France à rester ouvert durant ces événements qui ont marqué l’histoire. Tous nos professeurs étaient en poste et le seul changement pour les élèves consista à bénéficier de l’autorisation de regarder chaque soir les informations télévisées. Même si les magasins n’étaient plus approvisionnés, si aucun service public ne fonctionnait, nous n’avons manqué de rien au réfectoire. Il est vrai que nos menus étaient largement composés de conserves mises en stock à la rentrée…
Toujours est-il que le matin même du départ prévu pour l’examen des bourses, j’avais eu l’audace de dire à l’abbé Maurel, venu me réveiller très tôt, que j’avais pris la décision de ne pas y aller car je souhaitais cesser mes études pour travailler avec mes parents !!! L’insistance de l’abbé, ne me faisait pas changer d’avis. En réalité j’appréhendais grandement de revivre le calvaire vécu au début de mes années collège, je doutais fort de mes capacités et je complexais de contraindre mes parents à tant d’efforts financiers pour financer les études de cinq enfants en âge d’accéder au collège et les premiers cours d’auto-école qui s’annonçaient dans la continuité. Mes parents (sans doute prévenus de ma « rébellion » me pressaient de questions quand je revenais à la maison. Maman était visiblement perturbée alors que mon père se montrait fataliste et me disait « dans la vie l’essentiel c’est de travailler mais pas de passer sa vie à étudier ».
Je regrettais d’autant plus la perturbation causée à mes parents qu’ils m’annonçaient peu après l’arrivée d’un septième enfant pour la fin de l’année 1968, soit quelques mois après le terme témérairement décidée de mes études.
Quelques apprentissages complémentaires
La scolarité n’étant légalement obligatoire que jusqu’à l’âge de 16, je devenais statutairement « aide-familial ». Pour prétendre à certains droits sociaux, mes parents avaient été alertés sur le fait qu’elles seraient désormais conditionnées (me concernant) par des études par correspondance. Comme d’autres jeunes, prétendants avoués à la reprise de la ferme familiale, j’optais donc pour des cours d’agriculture par correspondance mis en place par « Le Plateau Central Rouergue Gévaudan », aujourd’hui reconnu sous le label RAGT. Cette entreprise familiale est devenue, au fil des ans, un fleuron des productions céréalières et fourragères et un grand distributeur de produits agricoles. Un seul gros livre didactique suffisait pour apprendre et comprendre les fondamentaux du métier d’agriculteur, du moins dans la version polyculture et élevage bovin. Tous les mois je recevais une fiche de devoirs dont l’essentiel des réponses figuraient dans ce livre. Je m’acquittais sans peine de cette contrainte, tant pour préserver les droits aux allocations familiales pour mes parents que pour valider ma vocation pour le métier d’agriculteur.
En complément de cet « études par correspondance » j’effectuais l’apprentissage de la conduite automobile en version VL (véhicules légers, soit voitures) et PL (poids-lourds, soit camions). Ce cursus de formation pour les permis de conduire, se clôturait à Espalion pour l’examen. Je m’y retrouvais avec une voisine du village, Elisabeth d’un an mon aînée. Cette coïncidence provoqua pour moi une véritable angoisse car j’imaginais mal de rentrer à Espinasse sans le permis alors qu’Elisabeth aurait réussi l’épreuve !! Cette éventualité me hantait d’autant plus que depuis plusieurs années je conduisais un tracteur alors que son père n’était possesseur d’un tracteur que depuis peu et qu’il n’en avait jamais confié la conduite à sa fille. Elle me précédait pour l’examen et se faisait une fierté (légitime…) de venir m’aviser de son succès. Plus de droit à l’erreur ! Je surmontais tant bien que mal mon stress et revenais moi aussi avec le fameux titre attestant de ma capacité à conduire voitures et même camions de tous tonnages. Il suffisait effectivement d’attester de quelques heures de conduite sur un véhicule de plus de 3,5 tonnes de poids total roulant et de répondre à quelques questions supplémentaires lors de l’examen oral qui se déroulait dans la voiture de l’examen pour obtenir ce sésame au métier de routier !!
Il semble, à postériori véritablement invraisemblable, d’ouvrir la possibilité pour un jeune de 18 ans de proposer ses services comme chauffeur international d’un véhicule de près de 40 tonnes, plus de 15 m de long avec pour seule caution ce permis de conduire acquis avec une facilité déconcertante. Ce permis poids-lourds constituait un véritable passeport pour l’emploi pour qui n’entendait pas sacrifier à de longues études. C’était aussi une inconscience inouïe que de laisser partir sur les routes du monde un chauffeur qui ne disposait d’aucune formation ni de la moindre mise en garde concernant la maîtrise d’un véhicule de fort tonnage, ni la moindre documentation sur la législation propre aux transports de marchandises. J’insiste sur ce point car il s’avéra, quelques années plus tard, que cela constitua une opportunité d’échappatoire pour le métier d’agriculteur qui n’a jamais été une véritable vocation.
Trois ans d’un dur statut d’aide familial
J’avais donc accepté de prolonger mes études pour préserver des droits sociaux pour mes parents peu fortunés et qui peinaient à payer les pensions de mes sœurs. Mes parents se dispensaient aussi de me déclarer comme aide-familial à la Mutualité Sociale Agricole pour se dispenser notamment de cotisations retraites. Ils se dispensaient aussi de m’attribuer la moindre rémunération pour le travail que je produisais sans rechigner. Des journées de labeur interminables du lever du soleil jusqu’à la nuit tombée, sans jour de repos pour m’aligner sur le rythme de vie de mon père réputé infatigable et âpre au travail. J’étais ravi de m’inspirer de l’incroyable savoir -faire de mon père capable de construire remorques, chars à foin, des portails en bois, de bâtir des murs, de créer des outils, Sans doute à cause de son acharnement au travail, il était d’un tempérament irascible et avait tendance à me rendre responsable (souvent à tort) de toute perte d’outils, de la plupart des pannes ou dommages causés au matériel voire des maladies ou accident survenus au cheptel. Je supportais de plus en plus mal ces coups de colère, ces accusations infondées et l’absence de la moindre rémunération en comparaison avec mes copains qui avaient choisi les mêmes options de vie. Ils obtenaient de leurs parents des rémunérations et se voyaient confier des responsabilités croissantes sensées les initier à la reprise de l’exploitation familiale.
Je me persuadais progressivement qu’il fallait reprendre ma destinée en main autrement pour ne pas sombrer dans la servilité pour une durée indéterminée… Je prenais alors, seul, la décision de devancer mon appel pour le service militaire. J’espérais ainsi pouvoir m’engager ensuite dans une autre orientation professionnelle mais aussi familiale car ces deux voies me semblaient totalement obstruées dans ce statut d’aide-familial corvéable à merci jusqu’à des échéances lointaines. Je n’imaginais plus mon père capable de remettre en cause ses prérogatives de chef de famille avec le bon prétexte d’avoir encore de jeunes enfants à nourrir et à éduquer.
Je n’informais mes parents de ma décision de partir à l’armée que le veille du jour où je devais me rendre à Rodez pour officialiser cette demande de devancement de l’appel. Le choc a dû s’avérer dur pour mes parents qui ne m’imaginaient sans doute pas capable d’une telle audace alors que je n’étais pas encore majeur puisqu’on n’atteignait alors la majorité qu’à 21 ans. J’avais 19 ans et un mois lors de mon incorporation à Albi le 4 août 1971.Je mettais ainsi un terme à trois ans et un mois de travail en famille qui n’avait pas véritablement contribué à mon émancipation hormis l’apprentissage de la débrouillardise et du savoir-faire omnipotent de mes parents.
L’année « bidasse »
J’ai abordé le service national obligatoire avec beaucoup d’appréhension. Mon tempérament pacifiste s’accommodait mal du tempérament guerrier qui caractérise un bon soldat. Dés mon incorporation j’ai mis en pratique les sages conseils que m’avaient donné mes deux grands pères à qui j’avais rendu visite avant mon départ. Ils avaient pour triste expérience d’avoir longtemps combattu durant la première guerre mondiale et d’en être revenus auréolés de médailles d’honneur récompensant leur bon comportement sur le front. Ils m’avaient donc conseillé de jouer toujours le soldat moyen et discret. « Jamais devant, jamais derrière » afin de rester le moins repérable pour les gradés et surtout pour les plus petits gradés qu’ils savaient avides d’assurer l’autorité susceptible de leur valoir un galon supérieur. Pour les exercices d’initiation (marche au pas, maniements d’armes, mais aussi pour les footings, courses, exercices de tirs…) je cherchais donc à me caser à égale distance des « fayots » de l’avant-scène et les trainards incessamment exhortés à l’effort… Merci grands-pères pour ces conseils pertinents.
Au terme de la période dite des classes effectuées au 22ème Régiment d’Infanterie d’Albi, les nombreux aveyronnais présents s’étaient vantés d’avoir adressé une demande d’appui du sénateur Bosacary-Monservin, maire de Rodez, pour s’assurer d’une place de « planqué » pour le reste du service militaire. Je n’avais pas osé solliciter de mes parents un même parrainage qui aurait pu transiter par Monsieur Maynier. Advienne ce qu’il adviendra !!
Le jour du rassemblement des trois compagnies de jeunes recrues face au colonel Périer, ami personnel de Boscary-Monservin, pour connaitre nos affectations il dit en préambule : « J’ai reçu une multitude de demandes d’affectations de faveur et je suis en incapacité de les satisfaire toutes. J’ai donc décidé une affectation en « compagnie de combat » pour tous ces soldats. Il énumère ensuite les autres affectations et j’apprends que je suis affecté à la section transport comme chauffeur poids-lourds. C’était le poste le plus convoité des demandeurs de privilèges !
Je bénéficiais donc, au grand dam de bon nombre de mes copains, d’un mois de formation dite FRAC pour repasser le permis poids-lourds car l’armée ne validait pas les permis civils. Un mois de relative tranquillité tandis que la section « commando » découvrait la dure réalité de longues marches, de redoutables parcours du combattant voire de parcours du risque et de manœuvres diurnes et nocturnes éprouvantes.
Même si les permissions de sortie étaient rares j’occupais donc un poste relativement « peinard » sinon privilégié. J’ai cependant vécu des nuits difficiles dans des granges désaffectées de Pic de Nore dans la Montagne Noire surplombant Mazamet ou au camp militaire de Caylus (82) à cause du froid vif qui empêchait de dormir.
Lors d’une manœuvre au camp de Caylus ma seule fonction quotidienne consistait à aller chercher une remorque citerne avec mon camion, de revenir au camp la remplis d’eau et de la ramener au point indiqué pour permettre aux « commandos » de remplir leurs gourdes et de se débarbouiller.
Après cette petite heure de travail nous campions avec d’autres chauffeurs ou chargés d’intendance. L’un de nous était cuisinier de métier et s’efforçait de recuisiner nos « rations » pour bonifier nos boîtes de ration. Un jour un paysan voisin vient nous rencontrer durant notre repas collectif. Maladroitement il nous raconte que depuis les manifestations sur le Larzac contre l’extension du camp militaire, il allait, comme ses voisins agriculteurs, déposer des plaines pour vols fictifs de denrées et volailles pour obtenir de juteux dédommagements. Dés son départ, nous nous sommes concertés et avons fait serment que dorénavant et jusqu’à notre départ ces vols allaient devenir réels et avérés. De jour ou de nuit nous allions donc dérober poule, lapin, salade ou même traire discrètement une vache pour provisionner notre cuisinier. « L’état paiera la note » et les agriculteurs seront désormais dûment dédommagés ! A deux reprises on a vu passer des fourgons de gendarmes mais les plumes et déchets avaient été soigneusement enfouis ! Lorsque j’allais provisionner en eau les « commandos » je leur faisais offrande d’une bonne part de notre butin quotidien. Inutile de dire que mon arrivée était espérée et la pitance était distribuée discrètement aux seuls appelés qui sont tous restés discrets.
Refus d’obéissance…
Lors d’une autre manœuvre j’étais affecté au transport des munitions de l’armurerie au terrain d’opération. J’étais accompagné d’un sergent engagé qui avait la responsabilité de de l’acheminement de cette artillerie sur mon camion. Lors d’une manœuvre il avait totalement oublié de mettre à disposition les artifices les plus puissant et les plus dangereux. Il s’en avise sur le chemin du retour et m’ordonne de m’arrêter et de mettre à disposition mon « lot de bord » (une pelle et une pioche) pour enfouir ces bombes afin de lui éviter une lourde sanction. Je refuse catégoriquement car j’avais conscience de la dangerosité de cette opération car des feux sont régulièrement allumés dans le camp. Il me menace de maintes sanctions si je n’exécutais pas ses ordres. « Si je suis sanctionné j’expliquerai pourquoi à qui de droit ». Il n’y eut pas de sanction pour moi et notre aversion réciproque s’est renforcée. Il s’est lui aussi dispensé de sanction en magouillant l’inventaire avec l’armurier mais il savait que je détenais un secret qui pourrait être lourd de conséquence pour lui s’il cherchait à m’embêter… Fin de mission sereine pour moi !!
J’appréciais d’autant plus cette période pour entretenir une relation épistolaire avec ma sœur Monique en particulier puis pour en amorcer une avec celle qui est devenue mon épouse. Ceci est une autre page d’histoire qui n’entre pas dans la commande de ma fille…
Fin de rédaction le 28 mars 2020 durant la période de confinement universel
Gilbert Douls
Ma famille
Mes parents : Albert Douls, né le 27 mars 1925, décédé le 13 août 1983
Juliette René Andrieu épouse Douls née le 2 janvier 1928, décédée le 8mai 2015
Ma fratrie : Yvonne née le 16 septembre 1950, décédée le 6 mai 2020
Gilbert né le 25 juin 1952
Monique née le 19 mars 1954
Christiane née le 26 juillet 1956
Bernadette née le 25 octobre 1959, décédée en décembre 2002
Geneviève née le 9 février 1965
Jean-Philippe né le 6 décembre 1968.