Sommes-nous restés
jeunes !
André Poulhès -80 ans -25 aout 2002
Nous avons traversé une bonne partie du 20ème siècle...
Nous sommes nés à
une époque où tout se passait à la maison et, la nuit, c'est avec une lampe à
pétrole que nos parents ont défini notre sexe. Le feu brûlait dans la cheminée
et les flammes léchaient le fond d'un chaudron en cuivre noir de suie, qui,
suspendu à la crémaillère maintenait l'eau chaude pour notre première toilette.
Cette eau n'était pas venue toute seule sur l'évier en pierre, il fallait aller
la chercher à la fontaine communale
parfois assez éloignée de la maison et, l'été, en période sèche, il fallait
parfois une demi-heure pour remplir un seau. C'était longtemps avant "les
35 heures"!...
Une grosse désillusion nous attendait : notre père portait
des sabots de bois...nous chaussions les souliers seulement à l'entrée du
village pour aller à la messe, le dimanche. Les chemins boueux les auraient
abîmés.
Quelques années plus tard, voilà l'arrivée des
cuisinières... finies les casseroles, cocottes ou poële parfois en déséquilbre
sur "los andillieros" et surtout, ça ne fumait plus dans la
cuisine-séjour même quand le vent "tournait".
Puis, voilà l'arrivée de l'électricité. Finies les lampes à
pétrole dont il fallait toujours remonter la mèche. La lumière présente
partout, dans la cuisine-séjour, à la chambre, même dans l'escalier, à
l'étable, à la grange. Vous tournez le bouton près de la porte et la lumière
jaillit comme un éclair au milieu de la pièce, sans briquet, ni allumettes et
quelle lumière... comme en plein jour, nous semblait-il, même avec une simple
ampoule de 40-60 watts. Pour éteindre, plus besoin de souffler, tournez à
nouveau le bouton tout simplement. Quel progrès...Parfois à la toute première
installation, un seule ampoule était placée sur le palier, cela semblait
suffisant pour éclairer toutes les chambres, porte ouverte...bien vite ensuite
une ampoule est installée dans chaque pièce.
Puis sont arrivées quelques grosses caisses appelées TSF.
Elles parlaient, chantaient, jouaient de la musique sans qu'il n'y ait
personne, et cela venait de Paris ou ailleurs et on entendait comme si tout se
passait dans la caisse. Les anciens disaient : " toute cette musique qui
circule dans les airs, cela va détraquer le temps!" Ces grosses caisses
ont duré 20ans , puis ont été remplacées par les petits transistors,
"David contre Goliath"!
Nous voyons aussi arriver les machines à laver le
linge...finie la corvée de lessive au ruisseau, où à genoux sur les pierres
plates, nos mères, nos soeurs, les mains glacées dans l'eau froide frottaient
et frappaient le linge au battoir.
Nous nous croyons au sommet du progrès, nos savants ne
trouveraient plus rien à inventer...comme nous nous trompions! Nous étions
avant la télévision, la pénicilline, les photocopies, le plastique, la vidéo,
le magnétoscope et le caméscope et aussi, avant la pilule!...
Nous étions là avant les radars, les cartes de crédit, la
bombe atomique, le rayon laser, le stylo à bille, le lave vaisselle, les
congélateurs, et avant que l'homme ne marche sur la lune!...
Nous nous sommes mariés avant de vivre ensemble, la vie en
communauté, c'était bon pour les couvents, il n'y avait pas de congé parental,
pas de télécopie, ni de courrier électronique.
Nous datons de l'ère d'avant les HLM, les TGV, les IVG, le
RMI, l'ESB, le SIDA. Nous ne connaissions pas la modulation de fréquence, ni le
coeur artificiel, la transplantation d'organe, le logiciel, le disque dur, ni
les jeunes portant une boucle d'oreille!...
Pour nous, un ordinateur
serait quelqu'un qui confèrerait un ordre ecclésiastique, une puce, un
parasite, une souris, de la nourriture pour chat, les paraboles, c'était dans
la Bible, non sur les toits, un site, un paysage panoramique, un C.D.rom nous
aurait fait penser à une boisson jamaïciane, un joint, c'était pour empêcher un
robinet de goutter, l'herbe était pour les vaches et la cassette pour ranger
les bijoux.
Les vaches n'avaient pas d'allocation familliale ou prime à
la vache alllaitante, mais quand l'une d'elles était malade, on la soignait
même sans vétérinaire, il n'y en avait pas dans le pays. Aujourd'hui, une bête
malade, on parle souvent de la faire "piquer" et même parfois tout le
restant du troupeau, comme s'il en était la cause...
Dans le même temps quand un cochon était "ladre",
il avait le ver solitaire, le ténia, adieu le jambon, les saucissons...on
faisait cuire toute la viande et on le consommait, nous n'en sommes pas mort.
Si cela arrive aujourd'hui, le cochon et ses congénères partent chez
l'équarisseur...
Nous avons vu abolir la peine de mort... Nous avons connu le
gel des terres, les quotas de production, les fermes sont trop petites mais la
terre est trop grande...Nous avons vu supprimer le franc pour l'euro...
Comment avons-nous pu assimiler tant de bouleversements dans
notre pauvre existence ? Notre génération n'a-t-elle pas vu autant de choses
nouvelles que pendant les 2 ou 3 siècles précédents depuis l'assassinat d'Henri
IV? Il faut que nous ayons eu la tête solide pour nous faire à toutes ces inventions,
ces nouveautés si rapprochées et éviter qu'un fossé nous sépare de la
génération d'aujourd'hui.
Si nos petits enfants voient autant de nouveautés que nous,
comment cela sera-t-il à la fin de leur existence et d'autant plus que du fait
de l'augmentation constante de l'espérance de vie, ils deviendront sans doute
plus que centenaires...
Nous sommes prêts à utiliser le minitel ou internet et
...acceptons volontiers de recevoir quelques "euros" par courrier
électronique.